Conversant : le retour devant le Conseil d’Etat

Le Conseil d’Etat avait, dans une importante décision du 11 décembre 2020, apporté des précisions sur les critères conventionnels de caractérisation d’un établissement stable (CE, plén. fisc., 11 déc. 2020, n°420174, Publié) et avait renvoyé à la Cour administrative d’appel de Paris le soin de les appliquer.

Cette dernière, dans un arrêt du 8 décembre 2021 (CAA Paris, 8 déc. 2021, n°20PA03971), avait estimé que le raisonnement de l’administration fiscale selon lequel il existait un établissement stable en France était fondé. La Cour avait également rejeté les arguments de la société visant à contester le chiffrage retenu par l’administration pour déterminer le résultat imposable en France tout comme les moyens visant à contester l’existence d’un établissement stable TVA.

La Cour avait néanmoins jugé qu’il n’était pas possible de considérer que la société exerçait une activité occulte conduisant à l’extension du délai de prescription et l’application de majoration de 80%. La Cour avait en effet estimé que “ce n'est que postérieurement aux années d'imposition en litige que la jurisprudence a adapté la notion traditionnelle d'établissement stable à l'économie numérique” et que l’absence de dépôt par la société ne pouvait constituer qu’une erreur “compte tenu des incertitudes majeures existant” lors du dépôt des déclarations.

Dans sa décision de la semaine dernière, le Conseil d’Etat confirme le raisonnement adopté par la Cour administrative d’appel de Paris en ce qui concerne l’existence d’un établissement stable en matière d’impôt sur les sociétés et de TVA et sur le chiffrage retenue par le fisc.

Le Conseil d’Etat annule cependant l’arrêt de la Cour en ce qui concerne le délai de reprise et les majorations. Contrairement à ce qu’avait jugé la Cour, il estime que la société n’avait pas commis une erreur car “dans sa décision du 11 décembre 2020, le Conseil d'Etat s'est borné à éclairer l'application au cas particulier des sociétés V. et V. France des critères permettant de caractériser un établissement stable, tels que dégagés par la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne et du Conseil d'Etat antérieurement aux années en litige, que ce soit pour la mise en œuvre des dispositions législatives ou des conventions internationales relatives à l'impôt sur les sociétés ou pour celle des dispositions relatives à la taxe sur la valeur ajoutée, les modifications du régime de cette dernière applicables à compter de 2010 n'ayant pas modifié la teneur de ces critères. D'autre part, il résulte de l'instruction, et n'est pas contesté, que le niveau d'imposition, en ce qui concerne l'impôt sur les sociétés, était, au cours des années en litige, substantiellement inférieur en Irlande par rapport à la France”.

Il estime ainsi que l’activité occulte est bien caractérisée et confirme le redressement fiscal de la société.

CE, 4 avr. 2025, n°461220

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